Le jour de ma mort fut très agréable. Pour tous ceux qui me haïssaient, bien entendu, car ils étaient enfin débarrassés de l’idée que j’étais peut-être encore en vie quelque part. Mais pour ceux qui m’appréciaient - ils n’étaient pas nombreux -, ce fut également un bon moment. Quelques-uns étaient tristes, or chacun sait que la tristesse est une émotion aussi agréable que déroutante. La plupart des autres riaient beaucoup, en se rappelant les moments effroyables passés en ma compagnie, nos disputes, mon air sentencieux, mes accès de logorrhée délirante et ma mine défaite suite au passage d’un air trop sec ou d’un hélicoptère.
En résumé, tous vous le diront : ce fut une fort belle journée durant laquelle il n’y eut ni soleil, ni pluie, ni nuages, ni vent, ni ciel, ni Dieu, ni autre. Chacun rentra chez soi d’excellente humeur et passa l’une des nuits les plus agréables de toute son existence. Si le plus insignifiant des évènements peut nous mener au paradis terrestre, c’est à condition de n’être préparé à rien.
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