samedi 20 janvier 2024

    "Intrigué par la préface de Frédéric Schiffter, un court blabla sans aucun chichi (donc très convaincant), j’ai demandé à Jean-Philippe Querton de bien vouloir m’envoyer Opuscule navrant de Blaise Lesire. Aussitôt reçu, aussitôt non pas lu mais feuilleté, selon un rythme très spécifique au recueil d’aphorismes : ouvert – fermé – silence, ouvert – fermé – silence… tempo discontinu où le silence peut être modulé selon le plaisir et l’ampleur des résonances issues des micro-chocs provoqués d’une page à l’autre. Entre deux ouvertures. Parfois, le silence se prolonge car le propos ne livre pas d’emblée sa substance : il est tordu, il réclame que nous le détordions ou plutôt que notre torsion épouse la sienne. Schiffter le souligne, l’aphoriste est un monsieur plutôt “flemmard” et “primesautier” qui vous fait travailler : il se repose sur l’esprit de finesse des lecteurs. Tous ne l’ont pas, mais la confiance est de principe. Parfois avant que l’éclair du sens n’illumine votre scène intérieure, il faut se “gratter (un peu) la tête”. Souvent non, c’est l’éblouissement de l’évidence, l’éclair froid qui vous fait dire “ah !” et s’apparente à la commotion du haïku (Claudel parlait de ahité  : “cela dans les choses qui fait ah !” et constitue dans la sensibilité poétique japonaise le “moment du haïku”).
Il y a chez Blaise Lesire alias Le Marquis de l’Orée des éclats poétiques à la Scutenaire sur un fond d’outrenoir façon Albert Caraco (ou l’inverse). Comme disait Alexandre Vialatte, la plupart des livres qui paraissent aujourd’hui « sont remplis d’un grand vide comme l’ampoule électrique mais sans filament lumineux ». Là, avec Lesire on est plutôt du côté de la lampe flash…"

(Merci à Patrick Corneau, LDS)