mardi 12 mars 2024

    Les aphorismes de Blaise Lesire, dit le Mar­quis de l’Orée, dans ce premier livre Opuscule navrant, au titre d’une délicate ironie, se fondent sur une seule certitude, celle de l’incertitude, et, comme il le dit de façon apparemment tragique,  de « l’insanité du bonheur ».

   Lire un recueil d’aphorismes est une opération de longue haleine, on peut se promener en trempant sa ligne dans le ruisseau et en avançant à la paresseuse… Puis, soudain, une piqûre, un vif-argent entre deux eaux et un éblouissement surgit.

   Opuscule navrant révèle une boîte à bijoux où se nichent la langue de la vivacité, la mélancolie ensoleillée, une vive désespérance et une ironie toujours en osmose avec le pitoyable ou le grandiose de notre improbable humanité.

« Dérober la cerise et délaisser le gâteau » (1972)

«  Je n’ai qu’une parole, et c’est pour ça que je ne vous la donnerai pas. Je refuse que l’on me pense capable de tenir une promesse » (1976)

   Dans cette œuvre exploratrice aux deux mille entrées, Blaise Lesire fait une entrée remarquable et remarquée dans la littérature. Les articles élogieux de Bruxelles à Paris, d’autres suivront certainement, relèvent la qualité intrinsèque de l’ouvrage : une radicalité joyeuse, une langue sans paresse, exigeante et fine, toute entière marquée par ce pari inouï de vivre la tête haute avant qu’elle ne tombe.

   Nous sommes dans le centenaire de la naissance du surréalisme et les éditions Le cactus inébranlable ont magnifiquement rappelé à quel point le surréalisme belge se démarquait d’avec d’autres courants surréalistes en brocardant toute papauté en la matière.

   L’auteur nous fait part des vertiges et des joyeusetés mortifères de notre métier de vivre. C’est « un livre paresseux comme un miroir, les odeurs en plus. »

   Sa lecture, à petites doses, fait naître à chaque fois le sentiment d’une profonde complicité avec le lecteur. La fausse bonhomie où l’emphase discrète sont les risques majeurs du praticien de l’aphorisme. Blaise Lesire, à aucun moment, ne se paye de mots, lui qui nous rappelle que « La mélancolie est le seul patrimoine de l’humanité qui mérite d’être sauvegardé » (771).

   L’auteur, qui a choisi de vivre dans un discret écart du monde littéraire, vient d’y prendre place de façon magistrale. La vivacité et, osons le mot, la compassion de l’écrivain avec la compagnie des hommes, donnent à ce livre une roborative dimension. Autrement dit, chez Lesire, la mélancolie ne rétrécit pas l’horizon mais, au contraire, en révèle les innombrables diffractions.

"Citoyen du monde végétal, j’envierais le minéral."

   Nous savons, en ce temps de sarcasme et de folie meurtrière sans cesse renouvelés, que la littérature peut peu de choses, si ce n’est qu’elle renvoie, quand elle est de la matière de celle de Blaise Lesire, à une forme d’enthousiasme à ne pas céder et à lire dans les plis de l’histoire des raisons de ne pas croire mais de penser, humblement peut-être, à l’infinie complexité du monde où chacun a ses raisons quand la raison démissionne.

                            Daniel Simon

 

              (Merci à Daniel Simon, LDS - Par ici)




2 commentaires:

  1. Je viens de vous écouter chez Ruquier. Je ne connaissais pas bien votre voix. D'ailleurs, elle avait l'air un peu différente de sur l'album "Alors, on ne rit plus". Je n'ai pas reconnu l'accent liégois mais vous ai trouvé, et cela m'a fort frappé car je connais bien sa voix à lui, des accents, des intonations de Schiffter. Ce n'est pas votre cousin c'est votre jumeau !
    En tout cas votre voix est claire et joyeuse. Vous pétez le feu Marquis :)
    C'était un bonheur de vous entendre.
    Votre Max.

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    1. Merci beaucoup Max, ma voix était assez déformée à cause de la mauvaise qualité du réseau de téléphonie, mais c'est très bien ainsi.

      À bientôt pour d'autres non-aventures, ma sieste royale est programmée pour durer deux jours.

      Au lit.

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