Chez les pessimistes radicaux, il y a cette conviction que la vie est mauvaise et qu’il est inutile de s’en émouvoir ; mais, parfois, les pessimistes n’en peuvent plus, c’est-à-dire que le pessimisme les pousse à ne plus croire au pessimisme, le pessimisme, c’est un scepticisme qui a tourné, et les pessimistes haïssant les croyances jusqu’à la seule qui les concerne, se maudissant avec le reste, ils flanchent, ils sombrent : ils s’abandonnent à l’optimisme.
(Jean Le Gall)
Chapitre CIV
Si je sombre, ça ira,
se dit le petit Ludwig
Je viens de survoler les trente premières pages, disponibles sur le net, du roman de Jean Le Gall que vous citez. Et "Le Gall c'est un régal". Oui, bon... Dés le début il donne le ton :
RépondreSupprimer"Jean Lousteau avait une égale horreur pour son nom et pour son visage ; comme on pouvait le comprendre.
La nature humaine incite à chercher des solutions à ce genre de problème. La boisson, par exemple. Mais c'est trop peu de deux bouteilles pour tout oublier et trois bouteilles vous tuent. L'alcool est mal fait.
Les envies de suicide, de fugue, de meurtre de masse, au contraire celles qui vous poussent au mariage ou à un investissement dans la pierre : Jacques Lousteau se ravisait à chaque fois que de tels projets lui venaient. D'une sagesse au-dessus de la moyenne, il s'en remettait au temps-qui-passe. Et le temps lui donnait raison. Les sentiments orageux finissent par fatiguer, le cafard vous lasse, le désespoir se tasse et, l'air de rien, on s'installe dans une sorte de paix. L'impression que vous fait votre apparence, ou plutôt, l'impression que fait aux autres votre apparence s'oublie comme on oublie la marque et la forme déshonorante de son automobile de série."
Moi, je me serais arrêté là. Dommage que ce livre soit un roman, avec une intrigue et des moments un peu plus faibles et longs. J'aurais aimé qu'il ne garde que les moments forts comme celui cité, qu'il les arrange en scènettes, en sketchs, que se soit plus incisif, et drôle, sans chercher à raconter une histoire. Je suis sûr que j'aurais adoré cet auteur, mais je ne lis plus de romans. Mes yeux et mon attention décrochaient pour la suite, mes jambes avaient envie de rejoindre les joggeurs dans le parc. Le pire c'est que je sais que je rate de très bons passages qui doivent parsemer ce livre. Je vais quand même me le procurer et le mettre sur ma pile de livres à lire "quand je serai vieux".
Max.
Cioran a écrit - en substance - que si un collage était parfois étonnant, les différentes images regardées séparément étaient encore plus étonnantes.
SupprimerIl me semble en effet que si un auteur conservait uniquement ses meilleurs phrases, son livre serait bien plus intéressant - le bon lecteur se chargerait de les relier à l'aide de son imagination.
À ne pas comprendre l’unité de la Voie,
RépondreSupprimerLe mouvement et la quiétude conduisent à l’échec.
Si vous vous attachez au phénomène, celui-ci vous engloutit;
Si vous poursuivez le vide, vous lui tournez le dos.
(Sin SIn Ming)
Un jour, il faudra tout de même que je vous demande à quoi tient cette référence récurrente à Wittgenstein. En attendant, buvons l'Un dans une tassounette de cognac.
Et si je me brise et me perds, qu’est-ce qui sera brisé et perdu ? Un zéro. Moi, individu, je ne suis qu’un zéro. Mais au diable maintenant la plume ! Au diable la pensée. Je vais avec M. Benjamenta dans le désert. Je verrai s’il n’y a pas moyen de vivre aussi au désert, de respirer, d’être, de vouloir sincèrement le bien et de le faire, de dormir a nuit et de rêver. Bah ! Maintenant je ne veux plus penser à rien. Pas même à Dieu ? Non ! Dieu sera avec moi. Qu’ai-je besoin de penser à lui ? Dieu marche avec celui qui ne pense pas.
(Robert Walser)
https://www.youtube.com/watch?v=8aRDrcwT0Io
"Dieu marche avec celui qui ne pense pas", ce bon vieux Robert avait tellement raison...
SupprimerLa tête du petit Ludwig me semble évoquer des possibilités infinies - dans la sidération, et c'est tellement compréhensible !