lundi 7 avril 2025

    Vers l’âge de quinze - voilà dix minutes environ -, je devins rebelle. Affublé d’un blouson noir sur lequel j’avais dessiné à la craie la lettre khi, et portant une épingle à nourrice aux lèvres, j’entrai à l’école par un joli mois de mai en chantant : « London’s burning ».
    Mon professeur de français, un homme tendre et désolé, me dit aussitôt : « Qu’est-ce que vous foutez, exactement ? »
    J’aimais beaucoup cet homme, et je pense qu’il m’appréciait autant. Tout s’effondra. Il avait raison, j’étais ridicule. Cependant, son costume aussi était ridicule, et les cours donnés à l’école ne l’étaient pas moins. Nous étions tous parfaitement stupides. Passer toute une vie à répéter le même travail était absurde et angoissant. L’espèce humaine était victime d’hallucinations. Avoir un enfant me semblait impardonnable.
    J’en parlai aussitôt à mes parents, qui restèrent sans voix. La société des hommes était donc un scandale, et chacun le savait, pensais-je, mais personne n’osait en parler, de peur que tout ne s’écroule.

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10 commentaires:

  1. "le joli moi* de mai" est la plus belle des fautes d'inadvertance commise par vous - ne la corrigez jamais car elle est le sens même de ce qui m'attache à ce si beau texte.
    Avec beaucoup d'amitié, souvent mal formulée, votre Max ami.

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    1. Je préférais déjà Billie Holiday, mais comme tous les imbéciles je voulais être tendance.

      Qu'est-ce qu'on peut être con quand on est terrien.

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    2. Si je suis "le contraire d'un con" comme vous me l'avez aimablement dit un jour, vous, vous en êtes l'antithèse.
      Jeune, j'étais fou de la musique symphonique du Léo de Toscane : "Muss es sein ? Es muss sein !" hurlait-il, au grand damn de mes voisins du dessous. Accros aussi au piano fou du génial Jean Musy s'écrasant sur les cordes furieuses de la toute jeune Catherine Lara. Et du lyrisme "absolument Callas" de Barbara.
      J'ai dû donc un peu forcer mes esgourdes, pour ne pas passer pour un ringard, sur les Massive Attack, Portishead et consort. Et pourtant, dieu sait qu'aujourd'hui, ils existent dans ma mémoire musicale aussi fort que mes premières vraies amours musicales.
      Le temps et la mémoire, cher Marquis, nous jouent parfois de sacrés tours - et c'est tant mieux, non ? :p
      Maxou on the rocks'n'roll.

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    3. https://www.youtube.com/watch?v=Tb0MC0jFv6M

      Ploum : ploum.

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  3. Juste magnifique cher Larquis vous avance de pied très fermes. Le spectres de vos lecteurs oenetrent vos mots et o t une place à l abreaction
    aritotelitienne.
    Merci écrivain.
    Cher Marquis de l Orée. La Duchesse qui passe sa vue avec oartout des épi gles de nourrices.

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    1. Les spectres, Duchesse, c'est toute notre vie. Nous y tenons comme à chaque prunelle.

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  4. Tout de suite après la lecture (mon dieu) de votre texte ça a surgi de je ne sais où :

    — L’adulte est un fake, l’immaturité c’est la voie.

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    1. Doux jésus mon bon suzerain, quelle affaire !

      Sans votre intervention annuelle, nous serions perdus. Vous souvenez-vous de cette histoire de truelle sur margelle ?

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