mardi 2 juillet 2024

   Tout le malheur de l'homme réside dans le fait qu'il ait été obligé de devenir l'humanité ou qu'il l'est devenu trop tard, quand il s'était déjà irréparablement différencié en nations, races, croyances, castes et classes, en riches et en pauvres, en hommes éduqués et en ignorants, en maîtres et en esclaves. Rassemblez de force en un même troupeau des chevaux, des loups, des brebis, des chats, des renards et des biches, des ours et des chèvres ; (...) forcez-les à vivre dans cette mêlée insensée que vous appelez l'Ordre Social et à respecter les mêmes règles de vie ; ce sera un troupeau malheureux, insatisfait, fatalement divisé, où nulle créature ne se sentira chez elle.

(Karel Čapek)



   Une de mes plus grandes joies de l’année 2024 fut d’imaginer la tête des lecteurs du Figaro Magazine découvrant ces quelques mots inscrits dans la rubrique Littérature :
    « Travail, Famille, Patrie : Foutaises. (…) »
    Sous l’article mentionnant la parution de mon opuscule, les commentaires méprisants des abonnés à l’Annonceur Régional constituèrent le couronnement de mon absence de carrière. (Que les deux Frédéric ayant contribué à la réussite de cette mission improbable en soient vivement remerciés.)
    Il ne me restait plus qu’à mourir heureux afin de parachever mon grand œuvre, ce que je fis, mais plus tard.

(3084)



lundi 1 juillet 2024


 


    Réaliser de nombreux documentaires sur ceux qui ont « échoué », et les diffuser de façon régulière dans les médias. Inviter ceux qui ont « réussi » - et reconnaissent la persistance de leur insatisfaction - à partager un moment de discussion à bâtons rompus avec les premiers sur l’inanité de toute ambition - et de l’inanité en général.
    En déduire l’urgence de la suppression du travail obligatoire, l'élimination de l’argent et l’avènement de l’extinction heureuse.
    Laisser un message à l’intention des extra-terrestres :
 
    « NOUS ÉTIONS TOUS DES ABRUTIS. PRENEZ SOIN DES ARBRES ET DES CROCOSMIA LUCIFER. MEILLEURS VŒUX DE NON-INTERVENTION. »

(3083)

 

 

 


    Et tout à coup, on repense à une idiotie embarrassante qu'on a commise vingt ans plus tôt, qui nous donne à nouveau des sueurs froides. Petit à petit, on est confronté à soi-même, cet être étrange, obstiné et détestable; à ses faiblesses, à ses bassesses, à sa mauvaise conduite, ses limites, sa partialité, ses bêtises, ses humiliations et ses souffrances depuis longtemps passées. Toutes les choses gênantes, douloureuses et vexantes qu'on a vécues nous reviennent, comme au premier jour. Rien ne nous est épargné, quand on ne parvient pas à dormir. 

(Karel Čapek)